Fin 2023, j’ai participé à un concours d’écriture. Mon texte n’a pas gagné 😉, je peux donc le publier sur cette page.
Coquinette-Minette s’ennuie. Coquinette-Minette s’ennuie tout le temps.
Jouer avec des poupées, ça l’ennuie ! Alors, elle leur coupe les cheveux et leur arrache les yeux.
Faire du vélo, ça l’ennuie ! Alors elle dégonfle les pneus, c’est plus marrant pour rouler.
Faire de la peinture, ça l’ennuie ! Alors elle vide ses tubes sur le mur et mélange toutes les couleurs avec ses mains.
Manger, ça l’ennuie ! Alors, elle s’amuse à lancer les petits pois dans l’aquarium et fait des trous dans la purée avec ses doigts.
En vrai, ce qu’elle voudrait, Coquinette-Minette, c’est être une fée. Ou une sorcière, pour préparer des potions bizarres et jeter des sorts. Ou encore mieux, une magicienne, pour faire apparaître ou disparaître ce qu’elle veut ! C’est pour ça que le soir, en cachette, elle s’entraîne à prononcer des formules magiques.
« Couette, abracadabrette, transforme-toi en lunettes ! »
Ou encore : « Doudou, abracadabrou, change-toi en chou ! »
Ça ne fonctionne jamais, mais elle ne se décourage pas : « Voiture, turlututure, deviens chaussure ! »
Ou encore : « Bureau, emberlificoto, tu seras un Esquimau, poil au dos ! »
Il ne se passe toujours rien…
Un jour, pourtant, alors qu’elle tente une transformation pour la trois mille cinq cent quatre-vingt-dix-huitième fois…
« Casquette, saperlipopette, métamorphose-toi en chaussette, parole de Coquinette-Minette ! » Un nuage de paillettes se forme, et pouet ! La voilà avec une chaussette sur la tête.
Coquinette-Minette est très fière, elle a enfin réussi. Elle va devenir une grande et magnifique magicienne ! Mais… quelle était la bonne formule, déjà ? Elle en a prononcé tant et tant qu’elle ne s’en souvient pas exactement. Il faut qu’elle réessaie.
« Chaussette, pirouette cacahuète, métamorphose-toi en casquette, foi de Coquinette-Minette ! »
Rien.
« Chaussette, omelette de poulette, métamorphose-toi en casquette, promesse de Coquinette-Minette ! »
Rien.
« Chaussette, saperlipopette, métamorphose-toi en casquette, parole de Coquinette-Minette ! »
Un nuage de paillettes se forme, et pouet ! La voilà avec sa casquette. Vite, vite, Coquinette-Minette répète plusieurs fois dans sa tête les mots de la formule magique, pour ne surtout plus les oublier.
Mais elle entend une voix de l’autre côté de la porte :
« Coquinette-Minette, qu’est-ce que c’est que ce boucan ?
— C’est rien, mamounette, c’est le klaxon de mon vélo !
— Coquinette-Minette, ce n’est plus l’heure de faire du vélo ! Couche-toi et dors !
— Oui, oui, mamounette chérie, t’inquiète ! »
Coquinette-Minette, pour une fois, préfère obéir sagement à sa maman, c’est plus prudent. Elle essaiera encore demain.
Les jours suivants, en cachette, Coquinette-Minette s’entraîne beaucoup : elle transforme la serpillière en gruyère, le râteau en chapeau et le têtard en nénuphar. Elle sait à présent qu’elle pourra utiliser la formule chaque fois qu’elle en aura besoin.
Un soir où papa a cuisiné des salsifis au jus de carottes, Coquinette-Minette boude. Dès qu’elle ouvre la bouche pour tenter d’en avaler un, elle ne parvient qu’à dire : « Beurk ! » Son papa peste : « Croquinette-Minette, ça suffit maintenant ! Dépêche-toi de finir tes salsifis ! Je vais dans la cuisine chercher la mousse au chocolat. Quand je reviendrai, il n’y aura plus rien. »
Dès que papa a tourné le dos, Coquinette-Minette prononce sa formule magique : « Assiette, saperlipopette, file dans la brouette, parole de Coquinette-Minette ! »
Quand papa revient, il fronce les sourcils, mais avant qu’il ait pu prononcer un seul mot, Coquinette-Minette lui dit, avec un large sourire : « Ben quoi, tu m’as dit qu’il ne devait plus rien y avoir… Eh ben, y a plus rien ! » Papa ne comprend pas trop ce qui a pu arriver. Il soupire, lève les yeux au ciel, puis sert sa mousse au chocolat à Coquinette-Minette.
Un autre jour, maman lui demande d’aller se laver. Et elle ajoute : « Ne fais pas semblant ! Tu dois frotter jusqu’à user la savonnette ! » Pas besoin de le lui dire deux fois ! Dès que maman a tourné le dos, Coquinette-Minette lâche sa formule magique : « Savonnette, saperlipopette, cache-toi dans la serviette, parole de Coquinette-Minette ! » Quand maman revient, elle fronce les sourcils, mais avant qu’elle ait pu prononcer un seul mot, Coquinette-Minette lui déclare, avec un large sourire : « Ben quoi, tu m’as demandé d’user la savonnette… Eh ben, j’ai tellement frotté qu’elle a disparu ! » Maman ne comprend pas trop ce qui a pu se passer. Elle soupire, lève les yeux au ciel, puis aide Coquinette-Minette à enfiler son pyjama.
Et chaque matin, chaque soir, Coquinette-Minette trouve quelque chose à transformer, à déplacer, à cacher. Elle s’amuse comme une petite folle, parce que personne n’y comprend jamais rien.
Pourtant, un beau jour, voilà ce qui arrive : pour son goûter, maman lui a préparé des gaufrettes. Mais Coquinette-Minette veut des sucettes. Elle se met en colère, tape du pied, se roule par terre : rien n’y fait. Pour ce goûter, ce sera gaufrettes ! Furieuse, elle décide d’utiliser sa formule magique. Elle aurait pu choisir de transformer les gaufrettes en sucettes… Mais pas du tout ! Voici ce qu’elle prononce : « Mamounette, tu m’embêtes, saperlipopette, disparais dans les oubliettes, parole de Coquinette-Minette ! » Un nuage de paillettes se forme, et pouet ! Sa maman disparaît.
« Chouette, pense Coquinette-Minette, bien fait pour elle ! Je vais être super tranquille maintenant. » Elle en profite pour changer les gaufrettes en sucettes, et pendant qu’elle les lèche, elle commence à réfléchir. Sa colère retombe petit à petit. Elle songe d’abord que c’est dommage : ce soir, elle n’aura personne pour lui lire son histoire. Pas d’histoire, ni de pâtes au gruyère, ni de gâteau au chocolat. Mais surtout, Coquinette-Minette est de plus en plus inquiète : des oubliettes, c’est noir. C’est froid. C’est humide. C’est rempli d’araignées et de squelettes. On n’a que du pain dur à manger. En plus, on risque de se faire dévorer par de gros rats poilus ! Et d’abord, elles sont où, ces oubliettes ? Et si maman ne revenait jamais ? Et puis, que dira-t-elle à papa, ce soir, quand il rentrera ? Et si papa ne rentrait pas non plus ?
« MAMAAAN !!! » crie-t-elle. Personne ne lui répond. Coquinette-Minette a un peu envie de pleurer. C’est bien, d’être une magicienne, mais parfois, c’est effrayant, épouvantable, terrifiant ! Pourtant, comme elle n’est pas du genre à se laisser décourager, elle se creuse la tête dans l’espoir de trouver une solution. C’est qu’avant sa maman, elle n’avait jamais rien fait disparaître totalement ! Comment la faire réapparaître maintenant ? Alors, elle reprend sa formule, comme au début :
« Mamounette, ma crevette, saperlipopette, reviens des oubliettes, parole de Coquinette-Minette ! » Rien.
Elle tente une autre formule : « Mamounette, ma pâquerette, saperlipopette, rentre dans la maisonnette, parole de Coquinette-Minette ! » Toujours rien.
Elle fait encore travailler ses méninges, puis trouve enfin une idée : « Si je veux la faire revenir, il suffit peut-être que j’inverse la formule ! »
Et, hop ! « Oubliette, tu m’embêtes, saperlipopette, rends-moi ma mamounette, parole de Coquinette-Minette ! » Un nuage de paillettes se forme, et pouet ! Maman est là, juste devant elle, un peu surprise… Et avant qu’elle ait pu prononcer un seul mot : « Délicieuses, tes gaufrettes, maman ! Merci beaucoup ! »
Et Coquinette-Minette file dans sa chambre sans demander son reste. Ouf ! Elle n’est pas passée loin de la catastrophe ! Elle se promet d’ailleurs de ne plus jamais utiliser cette formule… enfin, sauf en cas de besoin, si maman l’embête ! Parce que, quand même, il ne faut pas exagérer !